La Success Story de Madame Kilic, qui a fait reconnaître son diplôme turc en Suisse

Mme Fadime Kilic, assistante socio-éducative

Mme Erinë Chekhab, job coach et référente de prestation
Faire reconnaître un diplôme étranger est souvent un défi de taille, entre complexité administrative, barrière linguistique et manque d’information. Pourtant, c’est un levier essentiel pour une insertion professionnelle durable. Dans cette interview, Madame Fadime Kilic, assistante socio-éducative formée en Turquie, partage le parcours qui l’a menée à exercer son métier en Suisse. À ses côtés, Madame Erinë Chekhab, job coach et référente de prestation chez Connexion-Ressources, revient sur l’accompagnement qu’elle lui a apporté, entre soutien stratégique, encouragements et mobilisation du réseau employeur. Ensemble, elles illustrent la force de la persévérance et l’importance d’un accompagnement humain dans la valorisation des compétences issues d’un diplôme obtenu à l’étranger.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours en Turquie et de ce qui vous a motivée à devenir assistante socio-éducative de la petite enfance ?
Fadime Kilic : Depuis mon enfance, j’ai aimé m’occuper de mes petits cousins et jouer avec les jeunes enfants. J’ai toujours ressenti une attirance naturelle vers le monde de la petite enfance. Au lycée, j’ai intégré une école professionnelle où j’ai hésité entre l’enseignement spécialisé (travail avec les enfants en situation de handicap) et le développement de l’enfant. Finalement, j’ai choisi de me spécialiser dans la petite enfance, car je me sentais plus à l’aise et compétente dans ce domaine. Avec du recul, je pense que c’était la bonne décision.Comment avez-vous pris connaissance de la procédure de reconnaissance des diplômes étrangers ?
F.K. : En arrivant en Suisse, j’ai entendu parler de la reconnaissance des diplômes par mon entourage. Cependant, mon assistante sociale m’a dit que je ne pourrais pas y accéder, ce qui m’a presque découragée. Malgré cela, je n’ai pas baissé les bras et j’ai continué à chercher des informations. C’est finalement un professeur de mon Ecole de la transition qui m’a aidée à commencer la procédure.Quelles étapes avez-vous suivies pour faire reconnaître votre diplôme auprès du SEFRI ?
F.K. : Chaque personne suit une procédure un peu différente. J’ai d’abord soumis tous les documents et informations demandés via leur plateforme en ligne. Ensuite, ils m’ont contactée par email pour demander certains documents manquants. Le processus a été long, car obtenir ces papiers depuis la Turquie n’a pas été facile. Mais j’ai réussi à les fournir. En tout, cela a pris environ trois ans. Finalement, j’ai reçu une réponse positive : mon diplôme pouvait être reconnu sans examen supplémentaire grâce à mon expérience professionnelle.
Avez-vous rencontré des obstacles administratifs ou linguistiques lors de cette démarche ?
F.K. : Comme dans toute démarche, des difficultés sont survenues. Le plus dur pour moi a été l’attente, sans savoir si le résultat serait positif. Cette incertitude m’empêchait parfois de saisir d’autres opportunités. J’ai aussi rencontré quelques défis liés à la langue, mais heureusement j’ai été bien entourée, surtout par les personnes qui me suivaient à l’Ecole de la transition. J’ai eu beaucoup de chance de recevoir autant de soutien.Comment s’est déroulée votre intégration dans le milieu professionnel en Suisse ?
F.K. : J’avais déjà envie d’apprendre le français et je savais que l’intégration dans un pays passe par la langue. Pendant mes stages, j’apprenais de nouveaux mots que j’intégrais à ma vie quotidienne. Petit à petit, j’ai commencé à parler, à interagir avec les autres, à observer comment les choses fonctionnaient ici et à m’y adapter. Cela m’a beaucoup aidée à m’intégrer professionnellement.Jugez-vous que certaines compétences soient nécessaires pour s’adapter au système suisse ?
F.K. : Je ne souhaite pas critiquer le système, mais ce qui m’a le plus déstabilisée au début, c’est la lenteur administrative. En Turquie, les démarches sont souvent plus rapides. En Suisse, tout passe par l’écrit et prend du temps. Au fur et à mesure, j’ai compris que c’est une façon de s’assurer que tout soit en règle et de sécuriser les démarches. Aujourd’hui, je trouve ça moi-même plutôt rassurant.Quelles sont vos aspirations professionnelles à long terme ?
F.K. : J’aimerais évoluer dans ma carrière. Mon objectif est de passer de mon poste actuel d’assistante socio-éducative à celui d’éducatrice diplômée. Mon employeur m’a déjà encouragée à passer l’examen prochainement et je suis déterminée à continuer à me former et à progresser.Quel message souhaitez-vous transmettre aux personnes migrantes qui envisagent de faire reconnaître leur diplôme ?
F.K. : Ne renoncez jamais. En tant que migrant-e, on a souvent envie que tout aille vite, je suis passée par là. Cependant, il faut du temps. Je conseille de commencer par apprendre la langue, car c’est la clef. Ensuite, lancez-vous dans la reconnaissance du diplôme. Faites des stages, peu importe le domaine, cela enrichira votre vocabulaire et votre expérience. Et surtout, restezQuelles démarches avez-vous entreprises avec Madame Kilic pour faire reconnaître son diplôme ?
Erinë Chekhab : Lorsque j’ai rencontré Madame Kilic, elle avait déjà entamé ses démarches auprès du SEFRI pour faire reconnaître son diplôme d’ASE obtenu en Turquie. Ensemble, nous avons repris les exigences du processus, identifié les points clés et structuré les étapes à venir. J’ai assuré un rôle de « double vérification » pour sécuriser chaque démarche, tout en lui apportant un cadre de référence et un soutien régulier.A-t-elle rencontré des obstacles lors de ses recherches professionnelles ?
E.C. : Le principal obstacle était l’absence de reconnaissance formelle, qui restreignait ses opportunités. Pour contourner cela, nous avons activé le réseau de Connexion-Ressources et un partenaire employeur, Pop e Poppa, lui a proposé un stage qui a ensuite débouché sur une expérience professionnelle concrète. Cela lui a permis à la fois de valider les exigences du SEFRI et d’assurer un revenu. Nous avons travaillé sur la recherche d’un équilibre entre les besoins à court terme, notamment une stabilité financière, et les objectifs à long terme, comme une intégration durable et développement de sa carrière.Souhaitez-vous partager un moment marquant de cet accompagnement ?
E.C. : Oui, sans hésiter : plusieurs mois après la fin de notre accompagnement, Madame Kilic m’a recontactée pour me montrer, en personne, l’attestation officielle de reconnaissance de son diplôme. Ce geste, à la fois simple et fort, symbolisait tout le chemin parcouru. Je la félicite encore aujourd’hui ! Sa persévérance, sa capacité à mobiliser ses ressources internes et à rester engagée malgré les obstacles ont été remarquables.
Quels conseils donneriez-vous aux personnes qui veulent faire des démarches similaires ?
E.C. : Ne pas rester seul-e. S’entourer de professionnel-le-s, établir une stratégie en tenant compte à la fois des besoins immédiats et des objectifs futurs et avancer étape par étape. Je recommande aussi une posture anti-fragile : transformer les contraintes en leviers d’adaptation et de croissance. Notre rôle, en tant que job coach, est d’aider à maintenir ce cap, avec bienveillance et structure.